Le vieillissement naturel de l’organisme s’accompagne inévitablement de modifications oculaires qui affectent progressivement la qualité de la vision. Ces transformations physiologiques touchent différentes structures de l’œil, depuis le cristallin jusqu’à la rétine, en passant par les systèmes de drainage et de lubrification oculaires. Les troubles visuels liés à l’âge représentent aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique, concernant plusieurs millions de personnes en France et constituant l’une des principales causes de handicap visuel chez les seniors.

La compréhension de ces pathologies oculaires devient essentielle pour anticiper leur apparition et mettre en place des stratégies préventives efficaces. Chaque trouble présente ses propres mécanismes physiopathologiques, ses facteurs de risque spécifiques et ses approches thérapeutiques adaptées, nécessitant une prise en charge personnalisée et multidisciplinaire.

Presbytie : mécanisme de perte d’accommodation cristallinienne après 40 ans

La presbytie constitue le premier trouble visuel que vous rencontrerez probablement avec l’avancement en âge. Ce phénomène physiologique naturel débute généralement vers 40-45 ans et progresse inexorablement jusqu’à 60 ans environ. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une maladie mais d’un processus de vieillissement normal qui affecte universellement tous les individus, quel que soit leur état réfractif antérieur.

Le mécanisme d’accommodation permet normalement à l’œil de faire la mise au point sur des objets situés à différentes distances. Cette fonction remarquable repose sur la capacité du cristallin à modifier sa courbure grâce aux contractions du muscle ciliaire et à l’action des fibres zonulaires. Avec l’âge, cette mécanique de précision se dégrade progressivement, entraînant une diminution de l’amplitude d’accommodation qui se traduit par des difficultés croissantes en vision de près.

Rigidification progressive du cristallin et diminution de l’élasticité capsulaire

La presbytie résulte principalement de la sclérose cristallinienne , un processus de durcissement progressif qui débute dès la naissance mais s’accélère après la quatrième décennie. Le cristallin perd graduellement sa souplesse naturelle en raison de modifications biochimiques complexes affectant ses protéines constitutives, les cristallines. Ces changements s’accompagnent d’une augmentation du volume cristallinien et d’une diminution de l’élasticité de la capsule cristallinienne, membrane transparente qui entoure le cristallin.

Dysfonctionnement des fibres zonulaires et du muscle ciliaire

Parallèlement à la sclérose cristallinienne, le système d’accommodation subit des altérations au niveau des fibres zonulaires et du muscle ciliaire. Les fibres zonulaires, véritables « haubans » qui maintiennent le cristallin en position, perdent progressivement leur capacité de traction efficace. Le muscle ciliaire, bien que conservant sa force contractile, ne parvient plus à transmettre efficacement son action au cristallin durci, créant un découplage fonctionnel entre la commande nerveuse et la réponse optique.

Symptomatologie spécifique : vision de près floue et fatigue oculaire

Les premiers signes de presbytie se manifestent typiquement par une difficulté croissante à lire les petits caractères, notamment en fin de journée ou dans des conditions d’éclairage insuffisant. Vous observerez probablement le réflexe caractéristique d’éloigner le texte de vos yeux pour retrouver une vision nette, phénomène populairement appelé « syndrome des bras trop courts ». Cette adaptation comportementale s’accompagne souvent de fatigue oculaire, de céphalées frontales et d’une sensation d’inconfort lors d’efforts visuels prolongés en vision rapprochée.

Solutions correctives : verres progressifs, multifocaux et lentilles presbytes

La correction de la presbytie fait appel à plusieurs stratégies optiques adaptées aux besoins individuels et au style de vie de chaque patient. Les verres progressifs représentent aujourd’hui la solution de référence, offrant une correction continue de la vision de loin vers la vision de près sans ligne de démarcation visible. Ces verres sophistiqués nécessitent cependant une période d’adaptation et un apprentissage des zones optiques spécifiques.

Les lentilles de contact multifocales constituent une alternative intéressante, particulièrement pour les personnes actives souhaitant conserver un champ visuel élargi. Ces dispositifs utilisent des designs optiques complexes créant plusieurs foyers simultanés ou alternés. Les techniques chirurgicales, notamment la monovision par LASIK ou l’implantation de cristallins artificiels multifocaux, offrent des solutions définitives mais nécessitent une évaluation préopératoire rigoureuse.

Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) : altération de la macula lutea

La dégénérescence maculaire liée à l’âge représente la première cause de cécité légale dans les pays développés chez les personnes de plus de 50 ans. Cette pathologie complexe affecte spécifiquement la macula, zone centrale de la rétine responsable de la vision fine et de la discrimination des détails. En France, environ 1,3 million de personnes sont concernées par cette maladie, avec une prévalence qui augmente exponentiellement avec l’âge, passant de 1% à 50 ans à plus de 25% après 75 ans.

La DMLA résulte d’un vieillissement prématuré et pathologique de l’interface entre la rétine neurosensorielle et l’épithélium pigmentaire rétinien. Cette dégradation progressive compromet les échanges métaboliques essentiels au fonctionnement des photorécepteurs, entraînant leur dysfonctionnement puis leur destruction irréversible. L’impact fonctionnel se traduit par une altération progressive de la vision centrale , préservant généralement la vision périphérique.

DMLA sèche : accumulation de drusen et atrophie de l’épithélium pigmentaire rétinien

La forme sèche ou atrophique représente environ 85% des cas de DMLA et évolue généralement de manière lente et progressive sur plusieurs années. Elle se caractérise par l’accumulation de dépôts jaunâtres appelés drusen au niveau de la membrane de Bruch, interface située entre l’épithélium pigmentaire rétinien et la choroïde. Ces drusen, composés de débris cellulaires et de protéines altérées, perturbent les échanges nutritionnels et créent un environnement inflammatoire chronique.

L’évolution naturelle conduit progressivement à l’atrophie géographique de l’épithélium pigmentaire rétinien, créant des zones de perte cellulaire qui s’étendent concentriquement autour de la fovéa. Cette atrophie s’accompagne d’une disparition secondaire des photorécepteurs sus-jacents, expliquant la perte progressive et irréversible de la fonction visuelle centrale .

DMLA humide : néovascularisation choroïdienne et exsudation maculaire

La forme humide ou exsudative, bien que ne représentant que 15% des cas, est responsable de 80% des cécités légales liées à la DMLA en raison de son évolution rapide et agressive. Cette forme se caractérise par le développement de néovaisseaux choroïdiens anormaux qui traversent la membrane de Bruch pour envahir l’espace sous-rétinien ou sous-épithélial. Ces vaisseaux immatures et fragiles sont responsables d’hémorragies et d’exsudations qui déstructurent l’architecture maculaire.

Le processus néovasculaire est principalement médié par le facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF), cytokine pro-angiogénique produite en excès dans les tissus ischémiques. Cette découverte fondamentale a révolutionné la prise en charge thérapeutique en ouvrant la voie aux traitements anti-VEGF, qui constituent aujourd’hui le standard de soins pour cette forme de DMLA.

Facteurs de risque génétiques : mutations des gènes CFH et ARMS2

La recherche génétique moderne a identifié plusieurs polymorphismes génétiques associés à un risque accru de développer une DMLA. Les variants du gène CFH (Complement Factor H) et du gène ARMS2 (Age-Related Maculopathy Susceptibility 2) représentent les facteurs de prédisposition les plus significatifs, pouvant multiplier le risque par 2 à 7 selon les combinaisons alléliques. Ces découvertes ouvrent des perspectives prometteuses pour le développement de thérapies géniques personnalisées.

D’autres gènes impliqués dans la régulation du complément, le métabolisme lipidique et la réponse inflammatoire contribuent également à la susceptibilité individuelle. Cette composante héréditaire explique pourquoi vous pourriez présenter un risque augmenté si des membres de votre famille ont développé une DMLA, justifiant une surveillance ophtalmologique renforcée.

Dépistage par grille d’amsler et tomographie par cohérence optique (OCT)

Le dépistage précoce de la DMLA repose sur des outils diagnostiques simples mais efficaces. La grille d’Amsler, test d’auto-surveillance que vous pouvez réaliser quotidiennement à domicile, permet de détecter les premiers signes de déformation rétinienne centrale. Toute modification de la perception des lignes droites, apparition de zones floues ou de scotomes centraux doit conduire à une consultation ophtalmologique en urgence.

La tomographie par cohérence optique (OCT) représente l’examen de référence pour l’évaluation morphologique de la macula. Cette technique d’imagerie non invasive produit des coupes histologiques virtuelles de la rétine avec une résolution micrométrique, permettant de quantifier précisément l’épaisseur rétinienne, de détecter les épanchements liquides et de suivre l’évolution des lésions sous traitement. L’ OCT-angiographie complète ces informations en cartographiant la vascularisation rétinienne sans injection de produit de contraste.

Thérapies anti-VEGF : ranibizumab, aflibercept et bevacizumab

Les injections intravitréennes d’agents anti-VEGF ont révolutionné le pronostic de la DMLA humide depuis leur introduction au milieu des années 2000. Le ranibizumab (Lucentis®) et l’aflibercept (Eylea®) sont spécifiquement développés pour l’usage ophtalmologique, tandis que le bevacizumab (Avastin®) correspond à un usage hors AMM d’une molécule initialement développée en oncologie. Ces traitements nécessitent des injections répétées selon des protocoles personnalisés, généralement mensuels en phase d’induction puis espacés selon la réponse thérapeutique.

L’efficacité de ces traitements est remarquable, permettant de stabiliser la vision chez plus de 90% des patients et d’obtenir une amélioration chez 30 à 40% d’entre eux. Les protocoles actuels privilégient une approche « treat and extend » qui adapte les intervalles d’injection à la réponse individuelle, optimisant ainsi le rapport bénéfice-risque tout en réduisant la charge thérapeutique.

Cataracte sénile : opacification cristallinienne progressive

La cataracte constitue la première cause de cécité curable dans le monde et affecte pratiquement tous les individus avec l’avancement en âge. Cette pathologie se définit par une opacification progressive du cristallin qui altère la transmission et la qualité de la lumière atteignant la rétine. En France, plus de 700 000 interventions de chirurgie de la cataracte sont réalisées chaque année, faisant de cette procédure l’acte chirurgical le plus fréquemment pratiqué.

Le processus cataractogène résulte de modifications biochimiques complexes affectant les protéines cristalliniennes sous l’influence de facteurs multiples : vieillissement naturel, stress oxydatif, exposition aux radiations ultraviolettes, facteurs métaboliques et génétiques. Ces altérations conduisent à une agrégation protéique progressive qui diffuse et absorbe la lumière, créant l’opacité caractéristique. La localisation anatomique de l’opacité détermine le type de cataracte : nucléaire, corticale ou sous-capsulaire postérieure.

Les symptômes de la cataracte évoluent généralement de manière insidieuse sur plusieurs années. Vous pourriez d’abord observer une diminution progressive de l’acuité visuelle, particulièrement gênante en conditions de faible éclairage. L’apparition de halos lumineux autour des sources lumineuses, une sensibilité accrue à l’éblouissement et une altération de la perception des couleurs, qui paraissent plus ternes ou jaunâtres, constituent d’autres manifestations caractéristiques. La vision peut également fluctuer selon les conditions d’éclairage, certains patients rapportant paradoxalement une amélioration temporaire de leur vision de près due à l’effet myopisant de la cataracte nucléaire.

La chirurgie de la cataracte par phacoémulsification représente aujourd’hui le traitement de référence, avec un taux de succès supérieur à 98%. Cette technique consiste à fragmenter le cristallin opacifié par ultrasons avant son aspiration, puis à implanter une lentille intraoculaire artificielle qui restaure la fonction optique. Les implants premium, multifocaux ou toriques, permettent désormais de corriger simultanément la presbytie et l’astigmatisme, réduisant significativement la dépendance aux corrections optiques postopératoires. L’évolution vers la chirurgie réfractive du cristallin clair chez les patients presbytes fortement amétropes illustre l’expansion des indications chirurgicales au-delà de la simple cataracte symptomatique.

Glaucome primitif à angle ouvert : neuropathie optique chronique

Le glaucome primitif à angle ouvert représente une neuropathie optique chronique progressive qui constitue la deuxième cause de cécité dans le monde après la cataracte. Cette pathologie insidieuse affecte environ 2% de la

population française de plus de 40 ans, soit environ 400 000 personnes, mais seule la moitié d’entre elles en sont conscientes. Cette méconnaissance s’explique par l’évolution silencieuse de la maladie qui détruit progressivement les fibres du nerf optique sans provoquer de symptômes perceptibles jusqu’aux stades avancés.

Le glaucome résulte d’une inadéquation entre la production et l’évacuation de l’humeur aqueuse, liquide transparent qui maintient la forme de l’œil et nourrit les structures avoisinantes. Cette perturbation de l’homéostasie oculaire conduit à une élévation de la pression intraoculaire qui exerce une contrainte mécanique délétère sur les fibres du nerf optique au niveau de la lame criblée sclérale. La susceptibilité individuelle varie considérablement, certains patients développant des lésions glaucomateuses malgré une pression normale, tandis que d’autres tolèrent des pressions élevées sans dommage apparent.

Élévation de la pression intraoculaire et résistance à l’évacuation de l’humeur aqueuse

L’humeur aqueuse est produite en permanence par les procès ciliaires et s’évacue principalement via le trabéculum, structure spongieuse située dans l’angle iridocornéen. Dans le glaucome primitif à angle ouvert, cette voie d’évacuation subit des modifications dégénératives qui augmentent sa résistance à l’écoulement. Les trabécules se sclérosent progressivement, les espaces inter-trabéculaires se rétrécissent et l’endothélium du canal de Schlemm devient dysfonctionnel. Cette trabéculopathie dégénérative entraîne une élévation chronique de la pression intraoculaire, généralement comprise entre 21 et 40 mmHg contre 10 à 21 mmHg à l’état normal.

Excavation papillaire progressive et altération du champ visuel périphérique

L’hypertonie oculaire chronique provoque une déformation progressive de la tête du nerf optique, créant une excavation papillaire caractéristique. Cette excavation résulte de la compression et de l’ischémie des axones des cellules ganglionnaires rétiniennes qui convergent vers le nerf optique. Les fibres périphériques, plus vulnérables que les fibres centrales, sont atteintes en premier, expliquant pourquoi les déficits du champ visuel débutent en périphérie avant de progresser concentriquement vers le centre. Vous pourriez ne pas remarquer ces pertes périphériques précoces car votre vision centrale reste intacte et votre cerveau compense automatiquement ces lacunes.

L’évolution typique se caractérise par l’apparition de scotomes arqués dans les secteurs nasaux supérieurs et inférieurs, qui s’étendent progressivement pour former un échancrure nasale puis un déficit hémianopsique. Aux stades terminaux, seule persiste une vision centrale tubulaire qui peut brutalement s’éteindre, conduisant à la cécité complète. Cette progression inexorable justifie l’importance d’un dépistage précoce et d’un traitement préventif.

Tonométrie de goldmann et pachymétrie cornéenne pour le diagnostic

Le diagnostic du glaucome repose sur une évaluation multimodale combinant plusieurs examens complémentaires. La tonométrie par applanation de Goldmann constitue la méthode de référence pour mesurer la pression intraoculaire, mais sa précision dépend de l’épaisseur cornéenne centrale. La pachymétrie cornéenne permet d’ajuster cette mesure, les cornées épaisses conduisant à une surestimation de la pression réelle tandis que les cornées fines l’under-estiment. Cette correction devient cruciale pour identifier les patients à risque de glaucome à pression normale.

L’analyse de la tête du nerf optique par ophtalmoscopie et photographie du fond d’œil permet d’évaluer l’excavation papillaire et de détecter les hémorragies péripapillaires précoces. L’OCT de la tête du nerf optique et de la couche des fibres nerveuses rétiniennes fournit des mesures quantitatives objectives qui facilitent le diagnostic précoce et le suivi évolutif. La périmétrie automatisée standard reste l’examen fonctionnel de référence pour cartographier les déficits du champ visuel et monitorer leur progression.

Traitements hypotenseurs : prostaglandines, bêta-bloquants et inhibiteurs de l’anhydrase carbonique

La prise en charge thérapeutique du glaucome vise principalement à abaisser la pression intraoculaire pour ralentir ou arrêter la progression des lésions du nerf optique. Les analogues des prostaglandines constituent aujourd’hui le traitement de première intention en raison de leur efficacité hypotensive supérieure et de leur administration pratique en une instillation quotidienne vespérale. Le latanoprost, le bimatoprost et le travoprost agissent en augmentant l’évacuation de l’humeur aqueuse via les voies uvéo-sclérales alternatives.

Les bêta-bloquants topiques comme le timolol conservent une place importante, particulièrement en association avec d’autres classes thérapeutiques. Ces molécules réduisent la production d’humeur aqueuse en bloquant les récepteurs bêta-adrénergiques des procès ciliaires. Leur utilisation nécessite cependant une surveillance cardiaque et respiratoire en raison du passage systémique possible. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, disponibles en formes topique et systémique, offrent une alternative ou un complément thérapeutique en diminuant également la sécrétion d’humeur aqueuse.

Lorsque le traitement médical maximal toléré ne parvient pas à contrôler la pression intraoculaire ou à stabiliser la progression glaucomateuse, les options chirurgicales deviennent nécessaires. La trabéculoplastie sélective au laser représente une approche minimalement invasive qui améliore l’évacuation de l’humeur aqueuse en stimulant la régénération trabéculaire. Les techniques chirurgicales filtrantes comme la sclérectomie profonde ou la trabéculectomie créent des voies d’évacuation alternatives mais comportent des risques de complications significatifs.

Rétinopathie diabétique : microangiopathie rétinienne liée à l’hyperglycémie chronique

La rétinopathie diabétique représente la première cause de cécité légale chez les adultes de moins de 65 ans dans les pays industrialisés. Cette complication microvasculaire du diabète sucré affecte environ 35% des patients diabétiques et constitue une manifestation ophtalmologique de l’atteinte systémique des petits vaisseaux. L’hyperglycémie chronique déclenche une cascade de mécanismes pathogènes complexes qui aboutissent à des lésions irréversibles de la microcirculation rétinienne.

Les mécanismes physiopathologiques impliquent principalement la glycation non enzymatique des protéines vasculaires, l’activation de la voie des polyols, l’augmentation du stress oxydatif et l’inflammation chronique de bas grade. Ces processus conduisent progressivement à une altération de la barrière hémo-rétinienne, une perte des péricytes capillaires et une dysrégulation de l’autorégulation vasculaire rétinienne. L’ischémie rétinienne qui en résulte stimule la production de facteurs pro-angiogéniques responsables des complications néovasculaires caractéristiques des formes proliférantes.

La classification internationale distingue la rétinopathie diabétique non proliférante de la forme proliférante selon la présence ou l’absence de néovascularisation. La forme non proliférante progresse par stades successifs, depuis les microanévrismes isolés jusqu’aux anomalies microvasculaires intra-rétiniennes sévères. Les signes cliniques incluent les hémorragies intrarétiniennes punctiformes ou en flamme, les exsudats lipidiques témoignant d’une rupture de la barrière hémo-rétinienne, et les nodules cotonneux traduisant l’ischémie locale. L’œdème maculaire diabétique peut survenir à tout stade et constitue la principale cause de baisse d’acuité visuelle chez ces patients.

La rétinopathie proliférante se caractérise par l’apparition de néovaisseaux pré-rétiniens ou prépapillaires en réponse à l’ischémie rétinienne extensive. Ces vaisseaux anormaux prolifèrent selon des axes privilégiés le long des arcades vasculaires temporales ou autour de la papille optique. Leur évolution naturelle conduit à la formation de tissu fibro-vasculaire qui peut provoquer un décollement de rétine par traction, complication redoutable menaçant définitivement la fonction visuelle.

Le dépistage systématique par rétinographie numérique constitue un élément clé de la surveillance diabétologique. Cette approche permet une détection précoce des lésions rétiniennes avant qu’elles ne deviennent symptomatiques, optimisant ainsi les chances de préservation visuelle. L’angiographie à la fluorescéine reste l’examen de référence pour évaluer l’extension de l’ischémie rétinienne et planifier le traitement laser, tandis que l’OCT maculaire permet de quantifier précisément l’œdème maculaire et de suivre sa réponse thérapeutique.

Le contrôle glycémique optimal représente la pierre angulaire de la prévention et du traitement de la rétinopathie diabétique. Les études cliniques randomisées ont démontré qu’une réduction de 1% de l’hémoglobine glyquée diminue de 25% le risque de progression de la rétinopathie. La photocoagulation panrétinienne au laser argon reste le traitement de référence des formes proliférantes, créant des cicatrices choriorétiniennes qui réduisent la demande métabolique rétinienne et favorisent la régression des néovaisseaux. Les injections intravitréennes d’anti-VEGF ont révolutionné la prise en charge de l’œdème maculaire diabétique, offrant des résultats visuels supérieurs aux traitements laser traditionnels.

Syndrome de l’œil sec sénile : dysfonctionnement des glandes lacrymales et meibomiennes

Le syndrome de l’œil sec constitue l’une des affections oculaires les plus fréquentes chez les seniors, touchant plus de 30% des personnes âgées de plus de 65 ans. Cette pathologie multifactorielle résulte d’une altération quantitative ou qualitative du film lacrymal qui compromet la protection et la lubrification de la surface oculaire. Le vieillissement naturel s’accompagne d’une diminution progressive de la production lacrymale et d’une modification de la composition des larmes, créant un environnement oculaire défavorable au maintien de l’intégrité épithéliale cornéo-conjonctivale.

Le film lacrymal se compose de trois couches distinctes aux fonctions complémentaires : la couche lipidique superficielle produite par les glandes de Meibomius, la couche aqueuse intermédiaire sécrétée par les glandes lacrymales principales et accessoires, et la couche mucinique profonde élaborée par les cellules caliciformes conjonctivales. Le vieillissement affecte simultanément ces trois composants, réduisant leur quantité et altérant leurs propriétés physico-chimiques. Cette déstabilisation du film lacrymal augmente l’évaporation, réduit le temps de rupture et expose la surface oculaire à des agressions mécaniques et infectieuses.

La dysfonction meibomienne représente la cause la plus fréquente du syndrome de l’œil sec sénile, concernant plus de 60% des cas. Les glandes de Meibomius, situées dans l’épaisseur des paupières, sécrètent un mélange lipidique complexe qui forme la couche superficielle du film lacrymal et limite son évaporation. Avec l’âge, ces glandes subissent des modifications anatomiques et fonctionnelles caractéristiques : obstruction des canaux excréteurs, modification de la composition lipidique vers des esters de cire moins fluides, et atrophie glandulaire progressive. Cette évolution crée un cercle vicieux d’inflammation chronique qui perpétue et aggrave le dysfonctionnement.

Les manifestations cliniques du syndrome de l’œil sec sont polymorphes et souvent fluctuantes. Vous pourriez ressentir une sensation de corps étranger, de brûlure ou de picotements oculaires, particulièrement en fin de journée ou dans des environnements secs. Paradoxalement, un larmoiement réflexe peut survenir en réponse à l’irritation cornéenne, créant une alternance déroutante entre sécheresse et hypersécrétion. La vision peut devenir floue ou instable, nécessitant des clignements répétés pour retrouver une netteté temporaire. Ces symptômes s’aggravent typiquement lors d’activités à concentration visuelle soutenue comme la lecture ou le travail sur écran, situations où la fréquence de clignement diminue naturellement.

Le diagnostic du syndrome de l’œil sec sénile repose sur une évaluation clinique complète associée à des tests diagnostiques spécialisés. Le test de Schirmer quantifie la production lacrymale aqueuse tandis que le temps de rupture du film lacrymal évalue sa stabilité. L’examen des glandes de Meibomius par transillumination palpébrale et expression manuelle permet d’évaluer leur morphologie et leur fonctionnalité. Les colorations vitales à la fluorescéine et au vert de lissamine révèlent l’étendue des lésions épithéliales cornéo-conjonctivales et leur sévérité.

La prise en charge thérapeutique adopte une approche étagée adaptée à la sévérité des symptômes et aux mécanismes physiopathologiques prédominants. Les substituts lacrymaux constituent le traitement de première intention, avec des formulations sans conservateur privilégiées pour un usage chronique. Les larmes artificielles enrichies en acide hyaluronique offrent des propriétés viscoélastiques supérieures et une meilleure rétention sur la surface oculaire. Dans les formes modérées à sévères, la cyclosporine topique exerce un effet anti-inflammatoire spécifique qui améliore durablement la fonction glandulaire et réduit l’inflammation de surface.

Les mesures d’hygiène palpébrale jouent un rôle fondamental dans la prise en charge de la dysfonction meibomienne. L’application de compresses chaudes quotidiennes suivie de massages palpébr